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De son vrai nom, Marie-Thérèse
Brigit Mewoulou, Soeur Brigit, appelée le plus souvent
Mama Sœur par ses protégés, voit le jour le 31
décembre 1952 au sud Cameroun, dans le village d'Elone,
arrondissement de Ngoulemakong. Elle effectue sa
scolarité secondaire dans un lycée technique,
soldée par un BTS en technique quantitative de
gestion. complété ensuite par une licence en sciences de gestion, option finances, puis une maîtrise
en science de gestion finnancière, option finance publique. Depuis toujours, la religion fait partie
de sa vie, au même titre que le scoutisme qu'elle pratique
dès son plus jeune âge dans le cadre du Mouvement
d'Action Catholique.
Sans vouloir faire un vilain jeu de mots, on peut dire que Soeur
Brigit exerce une profession de foi, qui plus est en suscitant
des remous au sein même de l’Eglise ! Car dans son pays,
le Cameroun, son travail réclame de la rigueur et de la patience pour
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informer et convaincre la population, en majeure
partie ignorante de la problématique du VIH/sida.
Comme nous avons pu le voir précédemment, le
VIH/sida en Afrique ne se développe ni ne se
résout de la même manière qu'en Europe;
là-bas, les enjeux financiers, sociaux, mais aussi
culturels et religieux sont autant d'entraves aux progrès
médicaux. Mais pour Sœur Brigit, religion ne rime pas
avec soumission ; elle n'hésite jamais à ruer dans
les brancards quand elle le juge nécessaire à la
cause qu'elle défend ! Pour un rôle exceptionnel,
il fallait une femme qui le soit aussi. Soeur Brigit, c'est le
don de soi, et une quête perpétuelle du
mieux-être pour une population et une enfance meurtries
dans l'âme et dans la chair par la maladie.
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COMMENT TOUT A COMMENCE...
" J'ai eu la chance d'être scout dès mon
plus jeune âge, et c'est dans le cadre de cette
activité que j'ai découvert le travail de terrain,
dans les quartiers les plus défavorisés. Ce sont
aussi mes responsabilités nationales et même
internationales dans le scoutisme qui m'ont installées
dans cette voie. Quand on m'a nommée directrice d'un
collège de brousse situé à 90 km de
Yaoundé, je m'occupais des tâches administratives
de coordination. J'entendais certains enfants expliquer que leur
père ou leur mère était très malade,
et qu'ils ne pouvaient plus payer le collège. Pour moi,
c'était injuste que ces enfants soient mis à la
porte de l'établissement parce que leurs parents ne
pouvaient plus s'acquitter des frais d'écolage. Alors, le
week-end, je me rendais dans ces familles d'élèves
afin de vérifier comment elles se portaient. Aussi, durant ces visites, |
j'ai rencontré des personnes
très affaiblies. De suite, mon cœur me disait de
m'occuper d'elles, de les emmener à l'hôpital pour
qu'elles puissent se faire soigner. C'est ainsi qu'un jour un
médecin blanc m'a annoncé : - Ma soeur, cette
personne est atteinte du sida ; elle va mourir…- J'entendais
alors ce mot pour la première fois. Dès
lors, il fallait penser aux enfants. Et quand j'ai appris que la
paroisse avait 40 hectares de terrain titré, j'ai
procédé à des plantations de manioc,
tubercules, etc. pour les élèves qui ne pouvaient
pas payer. En compensation, ils travaillaient alors aux cultures
durant le week-end ou les loisirs. Ainsi, ils n'interrompaient
pas leur cursus scolaire, ni ne perdaient l'instruction
déjà acquise. Je convoquais aussi des parents pour
venir aux champs et ainsi, ils payaient de leur travail les
études de leurs enfants.
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C'est ainsi que je me
suis rendue compte du grand nombre d'enfant en souffrance dans
mon pays à cause du sida. En outre, cette maladie, que
nous appelions le poison, et ses conséquences,
étaient ignorées par la majeure partie de la
population. C'est cette expérience qui m'a amenée
à m'occuper des enfants orphelins du sida. J'ai alors
abandonné le travail que je faisais auparavant pour me
consacrer à la souffrance de tous ces démunis ;
aucune autre personne de l'église catholique au Cameroun
ne s'intéressait alors à ce problème…
Lorsque j'ai commencé, je n'ai pas mis les besoins
financiers en avant, car si j'avais annoncé : - 'Je fonde
une association et j'ai besoin d'argent -' |
je n'aurais
rien obtenu. Or, j'ai fait des études financières
qui pouvaient m'aider à me lancer dans des petits
commerces.
Je me rendais alors chez des privés ou des
administrations pour proposer mes services ; je confectionnais,
entre autres des rideaux. J'expliquais que je m'occupais
d'enfants et les gens appréciaient bien ma
démarche. Mais il fallait voir plus grand pour assurer
des revenus à long terme. C'est ainsi que peu de temps
après la création de l'association, j'ai
organisé une plantation de palmiers de 2,5 hectares.
Ainsi, depuis septembre 2001, notre plantation nous donne
suffisamment d'huile de palmes pour ne plus avoir besoin d'en
acheter ! C'est un apport important pour l'association.
L'étape suivante sera la vente de l'excédent de
notre production.
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Au départ, quand je me suis lancée dans cette
aventure, personne ne comprenait le motif de ma
démarche. L'Eglise n'était pas d'accord avec mon
projet : dans un premier temps, le soutien même moral
avait été; refus&eacuté; y compris par le
responsable de la santé au niveau de l’épiscopat
de l’époque. J'étais vraiment la seule à
mesurer la situation. Heureusement, aujourd'hui, c'est
différent: on me soutient, les gens commencent à
penser timidement car ils voient ce qui se passe. Toutefois,
à ma connaissance, il n'existe pas encore d'autres
religieux au Cameroun qui s'investissent à ce point et
concrêtement dans cette lutte. Mais je pense que cela va
arriver, à cause de la pression du problçme.
D'ailleurs, en avril 2001, un colloque a eu lieu à
Libreville avec la présence exigée des
évêques. A la suite de ce colloque, les
églises catholiques camerounaises commencent à
s'organiser avec le gouvernement en matière de lutte
contre le sida. Toutefois, ce projet est encore embryonnaire.
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Soeur Brigit a créé un
précédent dans son pays. Grâce à son
courage et à sa détermination, une prise de
conscience s'est instaurée parmi la population. Petit
à petit, de nouveaux comportements d'hygiène de
vie et de sexualité prennent le pas sur les habitudes
à risques. En outre, de nombreux séropositifs
obtiennent des soins qui leur permettent de continuer leur vie
dans des conditions acceptables. Et puis, il y a toutes ces
familles soutenues et ces enfants sauvés...
Dès lors, les parrains et marraines peuvent être
rassurés ; leur participation financière est entre
de bonnes mains. L'argent est équitablement
partagé entre tous les enfants du Centre de l'Espoir,
couvrant pour environ 50%, les frais inhérents à
leur entretien : Hébergement, soins courants,
habillement, éducation, loisirs, etc.
Sous son boubou coloré, Sœur Brigit cache un cœur assez
gros pour redonner confiance et goût de vivre à de
nombreux enfants, qui sans elle seraient bien plus orphelins
encore...
Repris d’un portrait de "Positives les Nouvelles"
de PVA-Genève
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